Quel est l’ordre de prévalence des documents contractuels applicables dans le cadre d’une vente ?

Les responsables des sociétés commerciales s’interrogent régulièrement sur la hiérarchie des documents contractuels et leur force obligatoire dans le cadre d’une vente entre professionnels, comme ils peuvent s’interroger sur le document qui doit primer lorsqu’il existe deux documents avec des dispositions divergentes telles que des conditions générales de vente proposées par le fournisseur et des conditions générales d’achat proposées par le donneur d’ordre.

Dans ce cadre, ces responsables, notamment les Directeurs des Ventes ou des Achats, seront certainement intéressés à connaître l’avis n° 16-11 qui a été rendu par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) le 4 juillet 2016.

La CEPC est une instance consultative qui veille à l’équilibre des relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs et qui examine les documents commerciaux ou publicitaires, les contrats entre revendeurs et fournisseurs, et toutes pratiques susceptibles d’être regardées comme abusives dans la relation commerciale.

Elle rend des avis concernant notamment la conformité au droit de la pratique ou du document dont elle est saisie.

Elle émet des recommandations d’ordre plus général, concernant notamment le développement de bonnes pratiques, dans une vision constructive de la vie commerciale.

Elle établit chaque année un rapport d’activité, qu’elle transmet au gouvernement et aux assemblées parlementaires. Ce rapport est rendu public.

La CEPC, qui a été créée en 2001, a rendu 28 avis en 2015 et elle est considérée par beaucoup comme un acteur incontournable dans le domaine des pratiques commerciales, salué pour la qualité de ses avis.

A ce titre, il importe de retenir que depuis sa création, la CEPC a pu être interrogée pour avis non seulement par de nombreuses sociétés commerciales mais également par des avocats, par le Tribunal de commerce de Paris ou encore par l’Autorité de la Concurrence et la DGCCRF.

L’avis n° 16-11 est donc important en ce qu’il a justement été rendu par la CEPC.

La CEPC devait répondre à la question suivante:

« Quels sont les documents faisant foi concernant une vente, et quel est l’ordre de prévalence de ces derniers, dans le cas où plusieurs documents contractuels existent :

  • offre commerciale du fournisseur,
  • conditions générales de vente proposées par le fournisseur,
  • conditions générales d’achat imposées par un donneur d’ordre,
  • contrat cadre de fourniture de produits et/ou de services accepté entre le donneur d’ordre et le fournisseur,
  • commande et mentions particulières émises par un donneur d’ordre,
  • accords spécifiques acceptés entre le donneur d’ordre et le fournisseur au titre d’une commande particulière.

Est-ce qu’un donneur d’ordre ne peut accepter que partiellement une offre commerciale proposée par le fournisseur ? C’est à dire que le donneur d’ordre accepte les prix proposés sans tenir compte des conditions particulières de l’offre par exemple.« 

La CEPC a répondu à cette question de la façon suivante:

I Lorsqu’il existe un écrit, le contrat de vente est constitué par les documents ayant recueilli l’accord des deux parties

Ont ainsi valeur contractuelle, selon l’ordre de prévalence indiqué, le cas échéant, dans le contrat écrit, les documents suivants :

1. Le contrat écrit signé des deux parties, notamment dans l’hypothèse envisagée par la saisine de la CEPC, le contrat cadre de fourniture de produits ou de services signé entre le donneur d’ordre et le fournisseur. Les commandes émises par le donneur d’ordre sur le fondement du contrat et selon les modalités qu’il prévoit ont également force obligatoire entre les parties.

2. Les parties peuvent, par ailleurs, dans le cadre de la négociation commerciale, convenir pour l’achat de produits ou de prestation de services des conditions particulières de vente. Il peut s’agir de conditions dérogatoires consenties à titre général pour l’exécution du contrat, ou ponctuellement à l’occasion d’une commande particulière : peuvent notamment entrer dans cette catégorie les accords spécifiques acceptés entre le donneur d’ordre et le fournisseur au titre d’une commande particulière, mentionnés dans la saisine.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et de la preuve des obligations, place les conditions particulières d’un contrat au-dessus des conditions générales lorsque leurs conditions sont discordantes.

Aux termes de l’article 1119 nouveau du code civil qui entrera en vigueur pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 : « Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »

3. A défaut de contrat écrit et de conditions particulières de vente, les conditions générales de vente du vendeur, acceptées et signées par l’acheteur.

Aux termes de l’article L. 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente (CGV) constituent « le socle unique de la négociation commerciale ». Ces CGV comprennent notamment: les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix, les conditions de règlement.

Ces CGV peuvent être négociées et donner lieu à l’établissement d’un contrat ou de conditions particulières de vente. Le cas échéant, les dispositions des CGV auxquelles le contrat renvoie expressément ont également valeur contractuelle.

A défaut de négociation, elles ont valeur de contrat si elles sont acceptées sans modification par l’acheteur.

4. Les conditions générales d’achat (CGA) du client acceptées par le vendeur : à défaut de CGV du vendeur, ou, si d’un commun accord entre les parties, celles-ci ont été écartées par les parties au profit des conditions générales d’achat du client, ou encore si elles complètent utilement les CGV.

Le cas échéant, les dispositions des CGA auxquelles le contrat renvoie expressément ont également valeur contractuelle. En revanche, les CGA ne peuvent légalement être imposées par l’acheteur.

II Les documents établis de manière unilatérale par l’une des parties et n’ayant pas recueilli l’accord exprès du cocontractant n’ont pas valeur contractuelle et n’ont donc pas force obligatoire entre les parties.

C’est notamment le cas de l’offre commerciale du fournisseur, des CGV du fournisseur et des CGA du client, lorsqu’elles n’ont pas été acceptées par le cocontractant.

Ces documents ne peuvent acquérir valeur contractuelle qu’une fois qu’ils ont recueilli l’accord de l’autre partie.

III Le contrat n’est pas valablement conclu si un donneur d’ordre accepte partiellement l’offre commerciale du fournisseur, à défaut de toute autre négociation.

Le contrat de vente n’est valide que si le fournisseur, acceptant la négociation de son offre, donne son accord sur les conditions demandées par son client.

Dans l’exemple donné par la saisine de la CEPC, le donneur d’ordre peut néanmoins accepter le prix et demander à négocier les conditions particulières de l’offre. Le contrat sera alors constitué par les dispositions de l’offre acceptées par le client et les autres dispositions négociées d’un commun accord entre le donneur d’ordre et le fournisseur. A défaut d’accord, le fournisseur peut aussi retirer son offre commerciale et renoncer à conclure la vente.