Contrôle de la DGCCRF sur le respect des pratiques œnologiques et surveillance des opérateurs

La DGCCRF a rendu public, le 25 janvier 2017, un résumé de l’enquête qu’elle a menée sur plusieurs acteurs de la filière viticole. 450 établissements ont été visités et 507 visites effectuées pour contrôler le respect par les opérateurs des dispositions françaises et européennes relatives aux pratiques œnologiques et les registres à tenir dans le secteur vitivinicole. Dans près d’un quart des établissements contrôlés, des manquements ont été identifiés et ont fait l’objet de poursuites.

  1. L’objet et l’étendue du contrôle mené par la DGCCRF

Les contrôles ont porté principalement sur la conformité des produits et des pratiques œnologiques avec ce que les consommateurs peuvent légitimement attendre : il s’agissait en particulier de contrôler les pratiques comme l’édulcoration, l’acidification, la désacidification, le coupage, mais également le respect des cahiers des charges d’AOP / IGP et l’étiquetage des produits.

Ces contrôles, menés sur l’ensemble de la filière (producteurs, coopératives, négociants et distributeurs de produits œnologiques), ont permis d’examiner la traçabilité des produits et la tenue des registres correspondants, mais également les relations commerciales et le formalisme des factures.

Les brigades d’enquêtes sur les vins et spiritueux (BEVS) de la DGCCRF ont ciblé leurs contrôles à partir d’analyses de filières et de flux de produits, notamment en identifiant les acheteurs de produits propres à effectuer des falsifications, par exemple l’acide tartrique (acidifiant), la glycérine, l’acide salicylique et l’acide benzoïque.

Les enquêteurs ont ciblé 450 établissements et se sont appuyés sur des prélèvements pour analyse en laboratoire. Ainsi, 149 prélèvements ont été réalisés sur des produits considérés comme « à risque » ou « suspects ».

  1. Le résultat des contrôles

Sur les 149 prélèvements effectués, un échantillon sur trois est apparu non conforme.

Les non-conformités les plus fréquemment constatées par les laboratoires correspondaient à des cas de mouillage, de chaptalisation illicite ou non-conforme ou d’incompatibilité entre l’appellation et le millésime annoncé.

Sur la chaptalisation, il importe de retenir qu’au regard du droit communautaire, lorsque les conditions climatiques le rendent nécessaire, c’est-à-dire lorsque la maturité recherchée des raisins ne peut être atteinte à cause de conditions climatiques défavorables, les Etats membres peuvent autoriser l’augmentation du titre alcoométrique volumique naturel (enrichissement) des raisins frais, des moûts de raisins, des moûts de raisins partiellement fermentés, des vins nouveaux encore en fermentation et des vins dans les conditions prescrites à l’annexe VIII du règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013.  L’enrichissement constitue seulement une mesure corrective permettant de rétablir la richesse en sucre des moûts lorsque les conditions climatiques n’ont pas permis d’atteindre un degré suffisant par rapport au débouché économique.

Plusieurs méthodes d’enrichissement existent, toutes encadrées par la réglementation communautaire, dont la chaptalisation, qui consiste en un sucrage à sec par addition de saccharose. En France, la chaptalisation doit faire l’objet d’une autorisation supplémentaire sur une partie du territoire et par ailleurs, concernant l’enrichissement des vins à AOP et IGP, des mesures plus restrictives peuvent être applicables à travers les dispositions des cahiers des charges de ces indications géographiques.

L’enquête de la DGCCRF a également permis d’établir qu’un établissement sur quatre contrôlé présentait une ou plusieurs anomalies.

Les infractions délictuelles relevées concernent la falsification, la mise en vente de produits propres à effectuer des falsifications, la tromperie, les pratiques commerciales trompeuses et la facturation non conforme.

Parmi les principaux manquements constatés à l’obligation de loyauté du vendeur envers le consommateur, on relèvera les cas suivants :

  • un nettoyage mal maîtrisé d’un procédé de filtration a entraîné des mouillages (de l’ordre de 3%) sur des vins ;
  • des cas d’usurpation d’AOC. Ainsi, par exemple, une exploitation viticole a été citée à comparaître devant le tribunal de grande instance car la maturité insuffisante de sa production lui interdisait l’utilisation d’une AOC ;
  • des cas de falsification par surchaptalisation (la surchaptalisation excède le taux maximum d’adjonction de sucre défini par arrêté), suite à la découverte occulte de stocks de sucre ;
  • des cas d’emploi non autorisé de tanins œnologiques : l’emploi de ces tanins n’est autorisé pour la clarification des vins et des moûts que s’ils n’en modifient pas les propriétés olfactives. Or, quatre des six échantillons prélevés par la DGCCRF les modifiaient substantiellement.
  1. Les sanctions prononcées par la DGCCRF

Dans le cadre de son enquête nationale, la DGCCRF a prononcé 70 avertissements, 16 mesures de police administrative et a dressé 19 procès-verbaux pénaux. Enfin, 12 contentieux ont été initiés.

A ce titre, il importe de rappeler que la DGCCRF, qui est notamment chargée d’assurer la protection économique des consommateurs, dispose d’importants pouvoirs d’enquête, de contrôles et de sanctions, qui ont été largement renforcés par la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014 relative à la consommation ainsi que par d’autres textes ultérieurs.

Il importe également de rappeler que la refonte du Code de la consommation, initiée il y a quelques années, s’est concrétisée le 1er juillet 2016 avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à sa partie réglementaire.

C’est ainsi qu’à droit constant et dans un souci de simplification et de clarification, le plan du Code de la consommation a été réaménagé : 1113 articles législatifs et 714 articles réglementaires ont été redistribués dans 8 nouveaux livres qui se substituent aux 5 anciens.

Dans ce cadre, les pouvoirs des agents, qui figuraient dans l’ancien Titre IV du Livre I (Information et formation des contrats), ont été regroupés dans un Livre V (Pouvoirs d’enquête et suites données aux contrôles) qui leur est intégralement dédié. Cette réforme des pouvoirs des agents était devenue inévitable depuis 1985, date de la création de la DGCCRF, par la fusion de deux directions : la Direction générale de la concurrence et de la consommation et le Service de la répression des fraudes.

Cette fusion des administrations ne s’était pas accompagnée d’une uniformisation des pouvoirs des agents, ce qui fait que les agents ne bénéficiaient pas des mêmes pouvoirs d’enquête suivant qu’ils tenaient leurs habilitations du Code de commerce ou du Code de la consommation. Le Livre V du nouveau Code de la consommation a eu pour mérite de regrouper et d’harmoniser les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête jusqu’à présent prévues par deux codes différents et de créer ainsi un régime unique des pouvoirs de contrôle de l’administration en droit de la consommation.

Cette recodification du droit de la consommation devrait donc permettre aux professionnels d’avoir une meilleure visibilité de leurs obligations, du cadre dans lequel ils sont susceptibles d’être contrôlés, voire sanctionnés en cas de manquement, et des limites et garanties entourant les pouvoirs des agents de la DGCCRF.

Par ailleurs, le taux infractionnel constaté lors du contrôle par la DGCCRF des pratiques œnologiques (taux d’anomalie de 32 % en ce qui concerne les prélèvements) doit inciter les professionnels de la filière vitivinicole à se tenir en permanence informés sur la règlementation à laquelle ils sont soumis, et ce malgré sa complexité et son « éparpillement », et à mettre en place des outils de contrôle interne de leurs produits et pratiques.

Ceci est d’autant plus important que déjà en mai 2016, la DGCCRF avait mené une enquête auprès de 486 établissements – essentiellement des producteurs de vin et des fabricants et distributeurs de produits œnologiques – pour contrôler notamment le respect de la règlementation applicable en matière de pratiques œnologiques et d’étiquetage des produits œnologiques.

De façon plus générale, les contrôles de la DGCCRF dans le secteur vitivinicole sont fréquents, qu’il s’agisse de relever des manquements aux règles d’étiquetage ou à la législation applicable en matière d’AOC/AOP/indications géographiques.