Les débuts du lancement du .paris

L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), le régulateur mondial d’Internet, a initié en 2012 une politique de création de près de 200 nouvelles extensions génériques.

Ainsi, en plus des extensions génériques classiques en .com, .info, .gov, des extensions de marques (.google, .apple), de langues, de communautés ou encore de zones géographiques (.london, .nyc) ont été créées au cours de cette année ou de l’année 2013.

1. le calendrier du lancement du .paris

Parmi ces nouvelles extensions géographiques figure le .paris, qui est géré et administré par la Ville de Paris en qualité de Registry.

Après l’ouverture du .paris à 100 premiers ambassadeurs pionniers le 4 juin 2014, comme la RATP (www.metro.paris) ou Aéroports de Paris (www.airports.paris), le lancement du .paris est entré dans une nouvelle phase le 9 septembre.

En effet, depuis cette date et jusqu’au 11 novembre, une période dite sunrise a débuté qui va permettre à plusieurs catégories de titulaires de droits de déposer, en priorité, une ou plusieurs demandes de noms de domaine en .paris.

Une fois cette sunrise period achevée, une période dite de golive débutera qui permettra à toute personne éligible, à compter du 2 décembre, de déposer une ou plusieurs demandes de noms de domaine en .paris qui n’auront pas été attribués auparavant.

L’activation des noms de domaine déposés au cours de la sunrise period aura lieu à compter du 2 décembre.

Cinq catégories de demandes seront acceptées par ordre de priorité pendant la sunrise period :

  • catégorie 1 : titulaires de droits ayant une marque inscrite dans la TMCH et protégée en France;
  • catégorie 2 : autorités publiques de la région Ile de France ;
  • catégorie 3 : titulaires de marques protégées en France ou détenteurs d’indications géographique ;
  • catégorie 4 : titulaires d’autres droits ;
  • catégorie 5 : période dite de landrush.

Dans tous les cas de figure, les demandeurs devront respecter les critères d’éligibilité établis par le .paris, à savoir résider en région parisienne ou exercer des activités professionnelles, personnelles, commerciales ou culturelles en région parisienne, ou encore justifier de tout autre lien d’attachement direct ou indirect avec la région parisienne.

A ce titre, il importe de noter que les bureaux d’enregistrement accrédités, lors du traitement des demandes de noms de domaine, pourront exiger des demandeurs des justificatifs, tels qu’un extrait Kbis ou la copie d’un certificat d’enregistrement de marque délivré par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), dans le cas d’une marque française, ou encore la copie d’un certificat d’enregistrement de marque délivré par l’Office d’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI, Office des marques et dessins ou modèles communautaires), dans le cas d’une marque communautaire.

Les demandes de noms de domaine seront acceptées simultanément dans les cinq catégories et traitées à la fin de la phase de lancement du .paris par ordre de priorité hiérarchique de chaque catégorie.

Catégorie 1 : marque inscrite dans la TMCH et protégée en France

La sunrise period est ouverte pour les marques validées par le dispositif dit TMCH (Trademark Clearing House).

Toutefois, en cas de demandes multiples portant sur un même nom de domaine, les titulaires de marques françaises, d’enregistrements internationaux de marque ayant effet en France et de marques communautaires seront prioritaires sur les titulaires d’autres catégories de marques, comme une marque japonaise ou américaine, par exemple.

En cas de demandes multiples portant sur un même nom de domaine effectuées par deux titulaires de marques de même catégorie, la marque la plus ancienne prévaudra.

Exemple : soit la société X, titulaire de la marque française « Le rendez-vous des amis », déposée à l’INPI le 1er janvier 2012 pour désigner des services de restauration et enregistrée depuis, et la société Y, titulaire de la marque française « Le rendez-vous des amis », déposée à l’INPI le 1er janvier 2013 pour désigner des services de décoration et enregistrée depuis.

Si les sociétés X et Y déposent, au cours de la sunrise period, le même nom de domaine « lerendezvousdesamis.paris », alors priorité sera donnée à la société X.

Enfin, dans l’hypothèse, qui devrait être relativement rare en pratique, où les sociétés X et Y ont déposé à l’INPI leur marque respective le même jour, l’attribution du nom de domaine « lerendezvousdesamis.paris » s’effectuera aux enchères.

Catégorie 2 : les autorités publiques de la région Ile de France

Cette catégorie permet aux autorités publiques de la région Ile de France de réserver trois types de noms :

  • leurs noms à l’identique, sous forme de variante ou d’abréviation ou tout autre terme couramment utilisé pour les décrire ;
  • les noms des services publics qu’elles assurent ;
  • les noms géographiques, et leurs variantes et abréviations, correspondant à toute zone de la région parisienne, ses monuments, symboles, lieux marquants ou tout autre nom connu ou ayant une résonnance dans la région parisienne et pour lesquelles ces autorités sont compétentes.

Catégorie 3 : titulaires de marques protégées en France non inscrites dans la TMCH

Cette catégorie est réservée :

  • aux titulaires de marques « locales » non inscrites dans la TMCH, c’est-à-dire les titulaires de marques françaises, d’enregistrements internationaux de marque ayant effet en France et de marques communautaires ;
  • aux indications géographiques reconnues par un traité international, par un règlement communautaire ou par la législation française.

Dans le cas où plusieurs demandes seraient déposées pour un même nom de domaine, la demande correspondant au droit le plus ancien prévaudra.

Catégorie 4 : entités juridiques établies en Ile de France

Cette catégorie est réservée aux noms commerciaux et aux dénominations sociales (y compris leurs variantes et abréviations) des sociétés et associations ayant leur siège social en Ile de France.

Dans le cas où plusieurs demandes seraient déposées pour un même nom de domaine, l’attribution se fera aux enchères.

Catégorie 5 : landrush period

Cette phase permettra à toute personne qui répond aux critères d’éligibilité du .paris de former une demande d’enregistrement.

Dans le cas où plusieurs demandes seraient déposées pour un même nom de domaine, l’attribution se fera aux enchères.

Cependant, les noms de domaine demandés à ce stade du calendrier ne seront pas prioritaires vis-à-vis des marques et des autres droits revendiqués.

Le 2 décembre 2014, les noms réservés pendant la sunrise periodseront activés et l’enregistrement des .paris sera également ouvert de façon généralisée sur la base du premier arrivé premier servi.

2. Comment réserver et combien cela va-t-il coûter ?

La réservation s’effectue uniquement auprès des bureaux d’enregistrement accrédités auprès du .paris, la Ville de Paris faisant office de Registry et non de Registrar.

Cette liste de bureaux d’enregistrement est disponible sur le site www.mondomaine.paris.

Le coût d’enregistrement d’un nom de domaine varie en fonction du bureau d’enregistrement sélectionné. Ainsi, à l’heure où nous écrivons cet article, l’enregistrement d’un nom de domaine en .paris chez « Gandi », au cours de la sunrise period, coûte 245,13 euros HT pour un an, alors qu’il coûte 229 euros HT chez « OVH ».

3. Les avantages de l’enregistrement d’un nom de domaine en .paris

Pour une entreprise éligible au .paris, un des avantages majeurs liés à ce nouveau nom de domaine est qu’il devrait permettre à cette entreprise d’être associée à une marque « Paris » et à la ville la plus visitée au monde, avec 47 millions de visiteurs en 2013.

Pour une entreprise déployant ses activités professionnelles en région parisienne, qu’il s’agisse d’une entreprise « locale » ou de la filiale francilienne d’une multinationale étrangère, enregistrer comme nom de domaine en .paris la dénomination sociale de cette filiale et/ou la ou les marques que ces sociétés exploitent localement devraient également permettre à ces sociétés de faire de leur appartenance géographique un élément essentiel à l’image de leur(s) marque(s) et de proposer à leurs clients des produits ou services qui témoignent d’un engagement territorial ou d’un attachement particulier à la ville de Paris.

L’enregistrement d’un nom de domaine en .paris permet également aux entreprises de communiquer, auprès des leurs clients comme auprès du grand public, sur leur vision personnelle de la « ville-lumière » et des ses habitants.

De façon plus générale, en enregistrant un nom de domaine en .paris, les entreprises, mais aussi les boutiques, les musées, les galeries, les théâtres, les salles de spectacles « sécuriseront » une adresse internet qui leur permettra d’être identifiés soit comme étant localisés soit comme étant associés à la ville de Paris. Cela renforcera leurs liens avec cette ville mais pourrait aussi accroître leur crédibilité en raison de la notoriété mondiale de la « marque » Paris.

Par ailleurs, pour les entreprises du secteur du luxe, de la mode, de la culture, de la gastronomie mais aussi du numérique, enregistrer un nom de domaine en .paris leur permet de s’associer à une ville et à une marque « Paris » connues pour être depuis longtemps une des capitales mondiales dans chacun de ces secteurs d’activité, étant précisé qu’en ce qui concerne le numérique, la ville de Paris a su, grâce à une politique volontariste, attirer dans ses murs un nombre important de start-up depuis quelques années.

Enfin, il semblerait que les sites internet ayant un nom de domaine géographique, comme en .paris ou .london, seraient plus visibles dans les pages de résultats du moteur de recherche « Google » que des sites ayant un nom de domaine générique en .com, pour les internautes procédant à une recherche « Google » depuis les villes de Paris ou Londres.

A l’heure où nous publions cet article, nous ignorons combien d’entités juridiques ont d’ores et déjà enregistré un nom de domaine en .paris au cours de la sunrise period.

Toutefois, il est intéressant de noter qu’en ce qui concerne les noms de domaine en .london, 9 000 enregistrements auraient été effectués le premier jour où l’enregistrement des .london a été ouvert de façon généralisée sur la base du premier arrivé premier servi et que depuis le 29 avril 2014, date du début de la sunrise period pour les enregistrements en .london, plus de 44 000 noms de domaine auraient été enregistrés.

De nombreuses multinationales ont enregistré un nom de domaine en .london comme « Microsoft », « Apple », BNP Paribas », « Mercedes », « Ikea », etc., ce qui témoigne de l’intérêt de ces entreprises pour un tel nom de domaine géographique.

Paris et Londres étant deux capitales économiques de première importance en Europe, on peut donc penser que le lancement du .paris va également séduire nombre d’entreprises, quelle que soit leur taille.

4. Les risques liés au lancement du .paris pour les titulaires de marques antérieures

Qu’elles soient ou non intéressées par le .paris, les entreprises titulaires de marques antérieures doivent bien avoir conscience que le lancement de cette nouvelle extension, comme le lancement des nombreuses autres extensions mises en place par l’ICANN, n’est pas sans risque.

En effet, des cybersquatteurs vont être tentés d’enregistrer un nom de domaine en .paris ou en lien avec une nouvelle extension générique, qui reproduit ou imite une marque antérieure, et ce notamment dans le but de tirer indument profit de la notoriété de cette marque ou d’engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public entre ce nom de domaine et cette marque.

Les objectifs des cybersquatteurs étant le plus souvent d’attirer du trafic sur leur site internet en se servant d’un nom de domaine reproduisant ou imitant une marque notoire et de revendre ensuite ce nom de domaine au titulaire de la marque.

Dans ce cadre, l’ICANN a mis en place des mécanismes qui permettent aux titulaires de marques antérieures de protéger leurs droits dans le cadre de l’expansion des nouveaux noms de domaine.

Parmi ces mécanismes, il importe notamment de citer la Trademark Clearing House (TMCH).

Il s’agit d’une base de données qui centralise, authentifie, stocke et diffuse de nombreuses informations relatives aux droits de marques.

Parmi les avantages de l’inscription d’une marque à la TMCH, il importe de citer l’accès à l’enregistrement « Sunrise » auprès des nouveaux organes d’enregistrement des gTLD et le service de réclamations pour les marques « Trademark Claims Service ».

Le « Sunrise » désigne une période  initiale de 30 jours minimum avant que des noms de domaine soient proposés au grand public. Les titulaires de marques inscrites à la TMCH peuvent profiter de cette période initiale pour protéger le nom de domaine correspondant à leur marque avant que la nouvelle extension soit accessible au grand public.

A ce titre, il importe de noter que plusieurs centaines de nouvelles extensions sont programmées par l’ICANN. Pour chacune de ces nouvelles extensions, les titulaires de marques enregistrées dans la TMCH pourront donc réserver par priorité leur(s) nom(s) de domaine.

Le Trademark Claims Service  intervient après la période de Sunrise. C’est un système d’alerte qui fonctionne de la façon suivante.

Un candidat à l’enregistrement d’un nouveau nom de domaine reçoit une alerte s’il essaie d’enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque antérieure répertoriée dans la base de données de la TMCH.

Si, après avoir reçu cette alerte, ce candidat décide tout de même de poursuivre la procédure d’enregistrement de son nom de domaine, le titulaire de la marque antérieure concernée reçoit alors un avis de notification de l’enregistrement dudit nom de domaine.

Ce système d’alerte présente donc tout à la fois des avantages et des inconvénients.

D’un côté, la TMCH semble être le seul mécanisme susceptible d’offrir une protection aux marques enregistrées relativement à chacune des nouvelles extensions de noms de domaine à venir. Ainsi, en ne participant pas au système TMCH et en n’ayant pas connaissance de l’identité des personnes susceptibles de contrefaire sa marque, le titulaire de la marque concernée risque donc de ne pas être informé, ou d’être informé seulement tardivement de possibles actes de contrefaçon de marque ou d’atteinte à sa notoriété.

D’un autre côté, le système d’alerte de la TMCH n’a pas pour effet d’empêcher un cybersquatteur d’enregistrer, dans une des nouvelles extensions, un nom de domaine identique ou similaire à une marque antérieure enregistrée dans la TMCH.

Ce blocage préventif ne sera possible, sous certaines conditions et limites, que si le titulaire de la marque, enregistrée dans la TMCH, a souscrit au service additionnel payant dit DPML (Domains Protected Marks List) proposé par la société Donuts.

Le titulaire de la marque pourra également engager une procédure extrajudiciaire de résolution des litiges, comme la procédure dite UDRP (Uniform Domain-Name Dispute Resolution Policy) mise en place par l’ICANN, pour obtenir le transfert du nom de domaine litigieux à son profit, ou une procédure judiciaire s’il souhaite obtenir des dommages-intérêts.

En pratique, les titulaires de marques semblent considérer la TMCH comme un outil intéressant car à la date du 16 septembre 2014, plus de 32 000 marques avaient été soumises à la TMCH pour enregistrement et plus de 111 000 notifications avaient été adressées par les responsables de la TMCH aux titulaires de marques enregistrées dans cette base de données.

En tout état de cause, l’utilisation de la TMCH, comme l’utilisation éventuelle de la procédure DPML, supposent de la part des titulaires de marques de faire, avec l’aide de leurs Conseils, des choix judicieux, tels que :

  • l’identification des marques à protéger ;
  • la vérification de leur éligibilité à être inscrites dans la TMCH ;
  • la sélection des nouvelles extensions pour lesquelles le titulaire de marques pourrait souhaiter participer à la sunrise period, en fonction notamment du domaine de protection couvert par ses marques et de leur portée territoriale ;
  • le choix des nouvelles extensions pour lesquelles il importe de mettre en place une surveillance de marques afin d’éviter ou de limiter les risques de cybersquatting.

Il est en effet certain, d’une part, que la protection d’une marque dans l’ensemble des nouvelles extensions ICANN est impossible car trop coûteuse et que, d’autre part, ces nouvelles extensions vont rendre bien plus difficile qu’avant la surveillance des marques sur internet.